Les manuscrits de la mer morte au Qumrân

Publié le par MOULINIER Jean-Louis

Les manuscrits de la mer morte retrouvés au Qumran confirment l'exactitude de la Bible a travers les générations.

A part des différences mineures tel que l'orthographe et le nom de Dieu, les traductions modernes conservent bien les écrits en conformité avec les originaux.

Ainsi toutes les Bibles possèdent les mêmes textes.

Les manuscrits de la mer Morte (iconicbooks.blogspot.com) L'aventure de la découverte des célèbres manuscrits antiques commence en 1947 dans les collines de Judée, lorsque le jeune berger Mohammed edh-Dhib Hassan, surnommé "le loup", cherchait un de ses animaux égaré dans les falaises calcaires qui surplombent la rive nord-ouest de la mer Morte. S'étant assis à l'ombre des rochers, il jeta en guise de jeu une pierre dans un trou de rocher visible en face de lui. Il fut surpris d'entendre un bruit d'objet cassé provenant du creux où il avait jeté la pierre. Intrigué, il revint le lendemain en compagnie de son cousin, et les deux jeunes gens équipés de lampes et de cordes pénétrèrent dans la grotte, quasiment inaccessible au flanc de la falaise. Ils y trouvèrent huit gandes jarres fermées par des couvercles. Elles étaient intactes à l'exception de l'une d'elles qui était brisée, et d'où ils tirèrent de vieux rouleaux de parchemin. Les rouleaux étaient soigneusement enveloppés dans du lin et couverts d'une écriture qui leur était inconnue. Ils dégagèrent également d'autres rouleaux assez déteriorés ainsi que quelques fragments épars. Vue générale des falaises de Qumrân (siena.edu). La grotte n°4 dans laquelle furent trouvés de nombreux rouleaux de la mer Morte (bibleplaces.com). Les deux jeunes bédouins apportèrent leurs manuscrits à un antiquaire de Bethléem, Khalil Iskander Schahin, surnommé Kando. Celui-ci en transmit une partie au métropolite orthodoxe syrien Mar Athanase, du couvent Saint-Marc de Jérusalem. Le religieux en fit des photos qu'il envoya à l'archéologue américain William Albright. Le spécialiste se montra enthousiaste et les qualifia de "découvertes archéologiques révolutionnaires". Le métropolite transporta alors les manuscrits aux Etats-Unis où ils furent rachetés indirectement par des Israéliens. Le second lot fut vendu au professeur israélien Eléazar Sukenik, de l'Université hébraïque de Jérusalem, qui reconnut également leur importance exceptionnelle et alerta son gouvernement. Celui-ci acheta les précieux rouleaux, et l'ensemble fut à nouveau réuni dans le musée d'Israël à Jérusalem. Leur examen montra qu'ils étaient écrits en hébreu et particulièrement anciens. L'intérieure de la grotte 4 (bibleplaces.com). Poteries qui contenaient lesmanuscrits (loc.gov/exhibits/scrolls) Mais la saga ne faisait que commencer. La nouvelle de la trouvaille parvint au père dominicain Roland de Vaux, directeur de l'Ecole biblique française de Jérusalem, qui eut l'idée d'explorer à fond la grotte d'où ils provenaient, et aussi d'aller prospecter dans d'autres grottes alentour. De 1947 à 1956, il organisa en collaboration avec le musée archéologique de Palestine une série de campagnes d'exploration dans les falaises qui entouraient les ruines du plateau de Khirbet Qumrân. Ce fut le début d'une recherche aussi sportive qu'exaltante. Le nouvel engouement est décrit avec bonne humeur par un observateur selon lequel "l'excitation de la quête transforma de vénérables savants chenus en une nouvelle race de cabris archéologues". Les fouilles permirent d'explorer un grand nombre de nouvelles grottes (plus de deux cents en tout), dont onze renfermaient également des manuscrits en plus ou moins bon état. Au total, 100 000 fragments de manuscrits furent ainsi mis au jour, provenant de près de 900 rouleaux. Fragment de manuscrit de Qumrân (accordancebible.com). L'annonce de cette découverte par les médias suscita un vif enthousiasme dans le monde entier, car ces documents présentaient manifestement un intérêt considérable pour la science historique. De plus elle survenait juste au moment de la création de l'Etat d'Israël, en 1948, et apparaissait comme un symbole providentiel qui accroissait le retentissement de la renaissance politique de la nation hébraïque. Entretemps l'antiquaire de Bethléem surnommé Kando avait flairé la piste lucrative. Le téléphone arabe fonctionna, et des explorations clandestines furent organisées dans les nombreuses grottes proches de Qumrân. Dès lors une course de vitesse s'engagea entre les expéditions officielles des savants et les fouilles secrètes des bédouins. Ceux-ci arrivant hélas presque toujours les premiers, les archéologues entraient en général dans des grottes déjà fouillées et pratiquement vidées de leur contenu. Le matériel disparu était à mesure dispersé et vendu au marché noir. Ce n'est que progressivement et au prix d'interminables enquêtes qu'il fut en partie récupéré par les archéologues. Quelques rouleaux trouvés à Qumrân. (ttaylor@midwest.net ; civilization.ca ; johnpratt.com) Les fragments retrouvés furent soumis à un patient travail de laboratoire, occupant une équipe de huit chercheurs qui triaient, traduisaient et ré-assemblaient les innombrables pièces du puzzle. L'étude complète dura plusieurs décennies et le résultat définitif ne fut publié qu'en 2009. L'étude de ces documents montra qu'il s'agissait d'anciens textes bibliques et judaïques. Rédigés en hébreu, en grec et en araméen, ils contenaient la quasi-totalité de l'Ancien Testament à l'exception du livre d'Esther. Ces documents constituent désormais les plus anciens exemplaires connus d'une Bible en hébreu. Le manuscrit le plus fameux est le rouleau d'Isaïe, qui est daté du IIème siècle av. J.-C. et qui représente le plus ancien livre biblique complet. Auparavant, les textes bibliques les plus anciens que l’on possédait étaient des extraits en grec datant du IIème siècle de notre ère et une Bible hébraïque du Xème siècle, le Codex d'Alep [1]. En plus des textes de la Bible "canonique", les manuscrits de la mer Morte contiennent plusieurs livres qui figurent seulement dans certaines versions de la Bible. Ce sont les livres de Tobie, de l'Ecclésiastique et la lettre de Jérémie. Situation de Qumrân et de quelques grottes. (preteristarchive.com) On trouva également des rouleaux non bibliques, plus ou moins connus par d'autres sources : ainsi découvrit-on un "livre des Géants", des "livres d’Enoch", un "livre des Jubilés", un recueil de psaumes et un commentaire du livre biblique d'Habacuc [2][3]. L’un des plus intéressants de ces rouleaux, appelé le rouleau du Temple, contient une description détaillée du futur Temple de Jérusalem [4]. Un autre document appelé le "manuel de discipline" fixe les règles strictes d'une vie en communauté religieuse. Il faut encore citer un rouleau original constitué non pas de parchemin mais de cuivre, qui semble plus tardif et émane des combattants juifs de Bar-Kokhba lors de la dernière révolte juive (de 132 à 135 de notre ère). La découverte de tous ces documents ne fournissait cependant pas la raison de leur présence dans les grottes. A proximité immédiate de ces caves, se trouvent sur le plateau des ruines de bâtiments antiques appelées Khirbet Qumrân. Dès le début, le professeur Sukenik fit un lien entre les manuscrits et le site de Qumrân dont ils constituaient selon lui les archives secrètes. Jarres et manuscrits trouvés à Qumrân. Ces vestiges de constructions forment un ensemble comprenant notamment une tour, un système complexe de bassins, une seule grande salle et une cuisine unique. Le mobilier se remarque par sa simplicité et se passe de tout luxe. La vaisselle est très sobre et très homogène. Des centaines de grandes jarres d'une forme très spécifique - les mêmes que celles qui contiennent les manuscrits dans les grottes - reposent à Qumrân. Cinq ou six encriers ont été trouvés et impliquent une activité d'écriture. A proximité du complexe architectural est implanté un vaste cimetière, dont la quasi-totalité des corps inhumés sont des hommes. Qui étaient les habitants de Qumrân et quelle était la fonction de leurs bâtiments ? La disposition des ruines évoque davantage une communauté monastique qu'un simple village. Si tel est le cas, elle a pu être occupée par un groupe de religieux juifs, peut-être des Esséniens, des Sadducéens ou les représentants d'un autre courant spirituel. La piste des Esséniens, décrite par plusieurs auteurs classiques, a été favorisée car on trouve dans le rouleau du manuel de discipline des informations qui concordent avec la description que font ces auteurs de la vie essénienne. L'association avec les Esséniens, défendue notamment par le professeur André Dupont-Sommer, a convaincu beaucoup de chercheurs et demeure la plus répandue. Les ruines du site de Qumrân (centuryone.org). L'existence de la communauté essénienne est connue grâce à trois historiens de l'Antiquité : Flavius Josèphe, Philon d'Alexandrie et Pline l'Ancien [5]. Elle aurait été fondée autour du IIème siècle avant notre ère par un personnage aux contours imprécis appelé le "Maître de Justice". L'établissement aurait perduré jusqu'à sa destruction par les légions romaines en 68 de notre ère, évènement dont elle ne se releva pas. Pour vérifier l'ancienneté des manuscrits de Qumrân, des chercheurs de l'Institut de physique des moyennes énergies de Zürich ont procédé à des analyses de datation des rouleaux au carbone 14. Les résultats de ces mesures, combinés avec les études paléographiques, donnent à l'ensemble des documents un âge calendaire compris entre 250 av. et 70 ap. J.-C., coïncidant avec la période essénienne. Par ailleurs, l'encre d'un des rouleaux a été analysée chimiquement et a révélé une concentration très importante en brome, un élément très abondant dans la mer Morte [6]. Ce résultat induit une forte probabilité pour que ces rouleaux aient été rédigés sur les rives de la mer salée, vraisemblablement dans les bâtiments de Qumrân. Bassins (rituels ?) dans ls ruines de Qumrân (fr.wikipedia.org). Cependant le rapprochement proposé entre Qumrân et les Esséniens ne fait pas l'unanimité. Les auteurs qui en doutent comme l'exégète André Paul font valoir l'absence de preuve, le site de Qumrân ayant très bien pu avoir une autre fonction comme une résidence, un établissement agricole ou un centre artisanal [7][8]. Encore plus récemment pourtant, un élément susceptible de clore la discussion est venu compléter le débat. Il s'agit de la découverte d'un lieu pour le moins familier : les latrines ! James Tabor, de l’Université de Caroline du Nord, a localisé les anciens lieux d’aisance du site de Qumrân [9][10]. Un texte de Flavius Josèphe parlant de l'établissement essénien décrit en détail les toilettes utilisées par ses membres, description qui correspond en tout point au site repéré. Des analyses en laboratoire de prélèvements du sol ont confirmé que l’emplacement avait effectivement servi de toilettes publiques. Ainsi, il ne fait plus guère de doute que le site de Qumrân fut probablement le siège de la secte essénienne. Si l’hypothèse faisant des Esséniens les habitants de Qumrân semble se confirmer, en revanche d’autres théories sont allées plus loin mais n'ont pas pu être vérifiées. Certains auteurs font par exemple un lien entre l'essénisme et l'origine du christianisme, imaginant que Jésus lui-même ait pu être formé à l'école essénienne au cours de sa retraite au désert. L'idée n'est d'ailleurs pas nouvelle, puisqu'on la trouve déjà dans le Dictionnaire philosophique de Voltaire qui fait de Jésus un Essénien. En fait il n'en est rien. Aucun texte du Nouveau Testament ne figure dans les manuscrits de Qumrân. L'essénisme est encore strictement limité au judaïsme et bien loin d'atteindre la spiritualité originale des évangiles, et par certains aspects il s'y oppose même diamétralement. Que l'on songe par exemple au souci de pureté corporelle, véritable obsession chez les Esséniens alors que l'attitude de Jésus dans les évangiles relativise son importance. En réalité, l'hypothèse d'une influence essénienne sur le christianisme est très peu étayée. Dans tous les cas, la découverte des manuscrits de Qumrân est d'une portée considérable car ils servent désormais de référence dans l’étude des textes bibliques. Références : [1] - E.-M. Laperroussaz : "Les Manuscrits de la mer Morte". Pour La Science n° 170, déc. 1991. [2] - M.E. Stone : “Why study the Pseudepigraphia ?”. The Biblical Archaeologist, Vol. 46, No 4 (Dec. 1983), pp. 235-243. [3] - M. Wise : “Literary Sources for the History of Palestine and Syria : The Dead Sea Scrolls : Part 2 Nonbiblical Manuscripts“. The Biblical Archaeologist, Vol. 49, No. 4 (Dec. 1986), pp. 228-243. [4] - J. Milgrom : “The Temple Scroll“. The Biblical Archaeologist, Vol. 41, No. 3 (Sep., 1978), pp.105-120. [5] - "Esséniens" (wikipedia.org) [6] - D. Stoekl Ben Ezra : "Le mystère des rouleaux de Qumrân, perspectives historiques et archéologiques". Les cahiers du judaïsme n° 29, 2010 (dstoekl.webs.com). [7] - A. Lamorte : "Les découvertes archéologiques de la mer Morte : fantaisie ou histoire ?" (bibliquest.org). [8] - "Yitzak Magen et Yuval Peleg remettent en question l'histoire du site historique de Qumran", 11 avril 2005 (franceisrael.info). [9] - J. Magness : “Two Notes on the Archaeology of Qumrân“. Bulletin of the American Schools of Oriental Research, No. 312 (Nov. 1998), pp. 37-44. [10] - P. Ribeau-Gésippe : “Les latrines de la mer Morte“. Pour la Science, n° 351, janvier 2007. La suite : Qu'est devenue l'Arche d'Alliance ? Retour au sommaire

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